La stratégie d’entreprise selon Sun Tzu

Par Stéphane Deslauriers

Lorsqu’on voit la Chine se développer à vitesse Grand V, je me suis demandé comment aborder cette question délicate de cette nouvelle compétition, cette nouvelle opportunité que représente ce vaste Empire du Milieu. En y réfléchissant bien, les opportunités et les menaces y sont nombreuses. Mais comment y jeter un coup d’œil nouveau?

Œil nouveau ou plutôt œil « ancien », voire Antique. Pourquoi pas revenir à la base même de l’imaginaire chinois; les écrits attribués à Sun Tzu, le père de la stratégie moderne?

L’Art de la Guerre, un traité ancien

Ces écrits datent de plus de 2500 années et représentent un amalgame de textes qui ont été compilés au fils des années, pendant une période de la Chine Antique, datant du Ve au IIIe siècle avant notre ère. La grande période que les historiens appellent celle des « Royaumes Combattant », une époque ou la Chine est non pas un seul pays, mais une série de royaumes en guerre. Cette époque se terminera vers -221, par l’unification de la Chine, et sera suivie par la période que l’on appellera celle du « Premier Empereur. »

L’origine ou l’auteur de ces textes, tout comme plusieurs textes très anciens, n’est pas très clair. Bien qu’aujourd’hui, ces textes sont attribués à Sun Tzu, il est maintenant établi que Sun Tzu (ou Maitre Sun) est un personnage de fiction, qui regroupe en fait une série d’auteurs de cette époque. Mais au final, la paternité de ces écrits n’est pas véritablement importante.

Mais ce qui est vraiment intéressant est surtout le fait que ces écrits ont franchi les âges, pour aujourd’hui être toujours d’actualité dans notre vie professionnelle. En fait, l’Art de la Guerre a été fréquemment utilisé par les grands de ce monde. Nous savons aujourd’hui que plusieurs grands chefs militaires et commerciaux tels que Napoléon, Mao Tse Tung, mais aussi John Davison Rockefeller se sont réellement inspirés de ces écrits au cours de leur carrière.

Pourquoi en parler aujourd’hui? Il est bien évident que je n’aspire pas à résumer ces écrits, mais ce que j’aimerais vous apporter deux éléments que je juge essentiel des grands principes de réflexion issus de la sagesse de Sun Tzu.

1er principe : Vaincre sans combat

« L’art de la guerre, c’est de soumettre l’ennemi sans combat »
Sun Tzu

En premier lieu, il faut bien comprendre que pour Sun Tzu, faire la guerre n’est pas nécessairement de combattre. Faire la guerre est de gagner sur son ennemi. Il a compris qu’une guerre est couteuse tant pour les ennemis que pour soi même.
Il en va de même dans notre guerre commerciale. Nous le savons, que ce soit les efforts marketing, de vente, de gestion, d’organisation, de pression sur les prix, toutes les guerres sont couteuses, et nécessite une grande quantité d’énergie et de ressources.

À preuve, une grande partie de nos entreprises vivent cette guerre commerciale, comme nous vivions la guerre au temps de la Première Guerre Mondiale; publicité lourde et couteuse, omniprésence sur les marchés, une omniprésence sur les médias sociaux, omniprésence dans les évènements de réseautage. Il faut être présent partout et beaucoup. Impliquez-vous ici, là, là-bas, et soyez actif sur tout. Il faut « être plus présent, plus gros et plus fort »… On fait beaucoup et partout, sans mission, sans objectifs, sans but sauf « gagner à tout prix… »

Mais si je vous demande, est-ce toujours nécessaire?
Si oui, pourquoi, qui ciblez-vous spécifiquement?
Est-ce que vos troupes savent exactement quoi faire?
Est-ce qu’ils veulent vraiment le faire?
Sont-ils formés afin d’accomplir leur mission?

2e principe : Se connaître, connaître son marché cible, connaître ses ennemis

« Qui connaît son ennemi comme il se connaît en cent combats ne sera point défait. Qui se connaît, mais ne connaît pas l’ennemi sera victorieux une fois sur deux. Qui ne connaît ni son ennemi ni lui-même est toujours en danger. »
Sun Tzu

Pour vaincre sans combattre, il faut bien sûr s’assurer de connaitre la cible, le marché. la destination.
Est-ce que vous la connaissez bien? Vraiment bien?
Et lorsque nous parlons de marché, de qui spécifiquement parlons-nous?
Qu’est ces entreprises veulent spécifiquement entendre? Pourquoi?

Aussi, est-ce que vous vous connaissez bien?
Avez-vous pris le temps de réfléchir véritablement sur vos forces, vos limites, vos avantages uniques?
Quelles sont les forces de vos individus qui forment votre entreprise?
Votre management? Vos chefs? VOUS comme chef?

Et vos ennemis, vos compétiteurs, vous les connaissez bien?
Quels sont les résultats de vos compétiteurs l’an dernier? Dans quoi ont-ils été meilleurs que vous? Pire que vous?
Les compétiteurs directs certainement, mais aussi les compétiteurs indirects, c’est à dire les entreprises qui convoitent les mêmes budgets que vous?

Quand avez vous véritablement pris le temps d’y réfléchir? Prenez le temps d’y penser quelques minutes.

***

Bien réfléchir est une démarche sérieuse. Afin de vous aider à le faire, il existe une quantité de modèles d’analyse qui sont tous aussi bons les uns que les autres. Peu importe le modèle que vous choisirez, assurez-vous que les 5 aspects selon Sun Tzu y soient.

1) La Vertu ou le « Tao » est le sens porté par votre organisation, votre vision organisationnelle, vos objectifs, votre direction. La Vertu est l’élément qui fait que tous porteront très haut votre flambeau afin d’être victorieux. C’est le pouvoir du cœur, de la mobilisation.

2) Le Ciel est l’ensemble des forces à l’œuvre dans l’environnement de votre entreprise. Tout comme les conditions climatiques, ce sont les facteurs que vous ne maitrisez pas, mais que vous devez prendre en considération dans vos efforts. Les conditions macro-économiques, le marché les tendances lourdes. Ce sont les contraintes qui changent selon les circonstances, le temps, les gens; les variables.

3) La Terre est le territoire des entreprises. Ce sont vos propres caractéristiques, vos forces, vos limites, le terrain de l’opération, les clients et les concurrents. Étudier la Terre vous permettra de comprendre tant votre cible, que celle de vos concurrents. Ce sont les données brutes, plus stables, plus solides. Ce sont les faits sur lesquels vous pouvez vous fier en ce moment.

4) Le Commandement est votre propre âme de dirigeant. Les qualités du management, du leader. Sa capacité à communiquer à son armée ses objectifs. C’est aussi la capacité du dirigeant à inspirer ses troupes à se dépasser. C’est aussi la qualité de leadership de vos officiers, soit les gens qui travaillent pour vous afin de mobiliser vos troupes.

5) La Règle est l’ensemble des processus, des normes, des fonctionnements internes et externes. C’est aussi ce qui témoigne de la discipline de l’ensemble de vos ressources. Il correspond à l’organisation et la structure.

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Vaincre sans combat, exige de savoir exactement ce que l’on fait, à quel moment et dans quel but! Vaincre sans combat, veut dire que l’on n’engage pas de bataille que nous ne pouvons gagner. Vaincre sans combat, exige que la planification, la réflexion, la stratégie et les tactiques soient bien comprises avant de commencer.

Trop souvent, je vois des professionnels engager des batailles « d’appel d’offres » sans être armés correctement. Dans l’excitation du moment, les soldats se mettent en ordre de marche, sans trop savoir ce qu’ils vont faire et pourquoi ils le font. Les officiers donnent des ordres selon leur instinct et tous et chacun partent dans des directions différentes. Une grande quantité d’énergie est déployée et l’issue est incertaine. Et la plupart du temps, les efforts se terminent par une cuisante défaite.

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« Soumettre l’ennemi par la force n’est pas le summum de l’art de la guerre, le summum de cet art est de soumettre l’ennemi sans verser une seule goutte de sang. »

Que ces écrits soient une création de Sun Tzu ou non, qu’ils aient été écrits il y a 2500 années ou non, n’est pas très pertinent. Ils nous disent simplement, ce que nous savons tous, fondamentalement, mais que nous n’appliquons pas forcement;

« Avant de se lancer dans une vaste opération, prenez le temps de réfléchir, et n’oubliez jamais que la confrontation directe est rarement la bonne solution, et qu’elle fait toujours des blessés et des pertes, tant pour votre organisation que pour le marché. »

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